Draconian – Under A Godless Veil (2020)
Bonjour. Bonsoir. Que sais-je…
La mélancolie est un état d’esprit intéressant, un mélange de tristesse et de dépression, dans une moindre mesure, et plutôt agréable. Le spleen de Baudelaire, ouais. Les longs soupirs poussés affalé dans son fauteuil, en observant l’océan au crépuscule et ses vagues s’abattre sur la grève décharnée.
J’aime bien la mélancolie. Vous aussi ? Alors restez, on va s’en payer une bonne tranche. Et si vous vous en foutez, eh ben faites bien ce que vous voulez, c’est pas grave.
Draconian est un groupe de musique gothique suédois opérant depuis le milieu des années 90, et ayant sept albums à son actif. Le groupe a connu deux chanteuses principales : Lisa Johansson, quasiment première chanteuse de retour après une pause de onze années, et Heike Langhans. C’est de cette dernière dont il sera question dans cette chronique.
Heike Langhans est une graphiste/chanteuse reconnue de la scène gothique, originaire d’Afrique du Sud, et ayant fait partie de Draconian de 2011 à 2022. Elle a enregistré deux albums avec ce groupe, Sovran en 2015 et Under A Godless Veil, celui qui nous intéresse, en 2020. Elle a d’autres projets musicaux en parallèle, mais je dois avouer qu’à l’heure où j’écris ces lignes je n’ai aucune idée de la qualité de ceux-ci. Erreur qui devrait bientôt être rattrapée…
La discographie de Draconian est relativement homogène : une ambiance lourde, déchirante, à l’équilibre entre la voix féroce d’Anders Jacobsson, le chanteur et leader de cette formation, et celles plus douces et angéliques des chanteuses. C’est lent, presque mélodique et surtout, mélancolique. Du gothique dans toute sa splendeur.
Avec le Godless Veil, Draconian a réussi à atteindre une quasi-perfection dans cette mélancolie.
La première chose qui frappe, lors de la première écoute, c’est la voix de Heike. Profonde, délicate, on dirait presque qu’elle nous chuchote à l’oreille, et elle est pourtant empreinte d’une force qui démontre immédiatement le talent de l’artiste, et la maîtrise qu’elle a de sa voix. La première minute de Sorrow of Sophia, le premier titre de l’album, ne pourrait pas mieux annoncer la couleur.
En contrepoint de cette voix angélique, presque démoniaque, le chant guttural de Jacob vient apporter la violence et la gravité qui pourrait manquer à cet univers. On pourrait croire que cela ferait tache, mais au contraire, cela diversifie la manière dont sont déclamées les paroles et évite de s’ennuyer à l’écoute d’une seule et unique tessiture. Les enchaînements se font naturellement, les voix se répondent l’une à l’autre, et tout cela vient contribuer à l’ambiance oppressante délivrée par la musique.
Celle-ci est terriblement lente, ne dépassant jamais les 100 bpm. En plus de gothique, on pourrait presque qualifier cette musique de doom (pour ceux à qui ça parle). Rythmiques lourdes, mais pas étrangères aux mélodies, elles aussi traînantes. Des enchaînements de notes lancinants, des boucles qui nous enferment dans la noirceur de leur musique.
Et c’est beau. Pas seulement beau, putain, c’est magnifique ! Un premier titre qui joue son rôle d’intro à la perfection, pour enchaîner avec un couple entraînant et violent (Sacrificial Flame, Lustrous Heart), pour ralentir sur Sleepwalkers. Et repartir de plus belle sur les quatre titres suivants, dont un The Sethian au refrain purement jouissif. Et arriver aux deux dernières chansons de l’album, Night Visitor, chanté en solo par Heike, purement déchirant, pour terminer sur Ascend Into Darkness, presque neuf minutes qui passent sans s’en rendre compte, pendant lesquelles les deux chanteurs se livrent à une performance inoubliable. Chère mère, ayez pitié…
Bon, si vous avez pas encore compris, il faut écouter cet album. Une bonne heure pendant laquelle vous êtes assis à ne rien faire, je sais que vous en avez à revendre, j’ai été en stage moi aussi. Ne reste plus qu’à se laisser porter, et laisser la musique faire le reste.
Maintenant, pourquoi cet album et pas un autre ? C’est le dernier en date, certes, mais ce n’est pas la seule raison…
La première, c’est Heike. J’ai eu l’occasion de voir les deux chanteuses en live, et il n’y a pas photo, elle l’emporte largement sur sa consœur. Puissance, gravité, tristesse, elle lui est supérieure en tout point. Ecouter les albums enregistrés avec Lisa, après avoir découvert celui-ci, laisse une sensation de manque difficile à combler.
L’autre raison est plus difficile à expliquer. Vous allez devoir me croire sur parole. Ou vous farcir toute leur discographie pour vous faire votre propre idée. Bref. Le Godless Veil est selon moi en tout point supérieur au reste de ce qu’a pu créer Draconian. Que ce soit la musique, le chant, tout. La preuve, l’album précédent, Sovran, enregistré lui aussi avec Heike, me laisse presque totalement de marbre (bon, pas totalement totalement, y a quelques titres sympas, mais vous avez compris l’idée). Je ne saurais pas dire avec précision et certitude ce qui a changé, mais la différence est énorme.
Heike Langhan a quitté le groupe, et Lisa Johansson est revenue prendre sa place. C’est dommage, mais ils nous auront au moins gratifié de cette pièce musicale, et pour cela je les en remercie. Cette chronique est là pour rendre hommage à cette pièce maîtresse, et éviter dans une moindre mesure qu’elle tombe dans l’oubli. La parenthèse Heike de l’histoire de Draconian m’a marqué profondément, et il serait injuste de ne voir son passage justement que comme une parenthèse.
Sur ce bonsoir, ou bonjour, que sais-je.
Écoutez de la musique.
PS : je n’ai pas parlé des paroles ou des thèmes abordés par celles-ci. Pourquoi ? Parce que je ne les écoute pas. Ça peut paraître bizarre, voire triste, mais les paroles rentrent en compte rarement dans mon appréciation de la musique. À ne pas confondre avec le chant, si vous avez bien suivi…
PS-2 : attention piège : c’est du metal. Gothique et doom, mais du metal. Grosses guitares, batterie qui frappe, ouais. Vous aviez dans doute déjà deviné, mais bon. Comme ça vous êtes prévenus, et pas pris en traître. Mais de grâce, n’ayez pas peur…